278                         HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
Paris la première manufacture des Gobelins, venaient-ils d'Aude­narde? On l'ignore; mais trois maîtres de cette ville transportent leurs métiers à Alost en 1611. De nombreux ouvriers du mème pays s'en vont travailler dans la manufacture de Mortlakej fondée en 1619 par Francis Crane. Puis c'est AHncent van Quickelberghe, qui se rend, avec ses fils Jean et Emmanuel, d'abord à Arras, puis à Jaille. En 1635, Emmanuel rejoint ses compatriotes déjà fixés en Angleterre. On voit même un tapissier d'Audenarde se réfugier à Bruxelles en 1641 ; il s'appelle Guillaume van der Hante. Le chef d'atelier le plus habile et le plus célèbre de la manufacture des Gobelins, Jean Jans, était aussi originaire de cette ville. U quittait son pays pour la France en 1650, avec plusieurs de ses conci­toyens.
Les magistrats ne négligeaient rien pour arrêter cette dépopula­tion, soit en édictant des peines rigoureuses, contre les fugitifs, soit en fournissant, par de nombreuses acquisitions, du travail aux maitres besoigneux. Dès qu'un nouveau gouverneur venait prendre la direction des affaires à Audenarde, il recevait en don de joyeux avènement un des produits les plus remarquables de l'industrie locale. C'était généralement une tenture en plusieurs pièces, repré­sentant des verdures animées d'animaux et de figures. Ce fait se reproduit fréquemment, à des intervalles plus ou moins rappro­chés, de 1614 à 1694.
Un document contemporain nous a conservé de bien précieux renseignements sur' l'importance du commerce d'Audenarde au commencement du xvii- siècle. C'est le registre d'un maitre, nommé Georges Ghys, tenant note au jour le jour des pièces sorties de son atelier, de 1620 à 1622. Nous voyons que Ghys a exécuté, pendant cette courte période, des tentures représentant les Histoires de Pomone, de Zenobio, de Débora, de Philopator, d'Élie et de Camille, les unes en sept ou huit pièces, les autres en cinq pan­neaux, et cela sans compter ies bergeries et les verdures. Le même manuscrit, conservé aux archives d'Audenarde, nous fait savoir que Ghys joignait le commerce des tapisseries à leur fabrication. Il achète nombre de tentures à des confrères pour Jes revendre. Sa production aurait atteint deux mille sept cents pièces dans le cou­rant d'une seule année. Si le fait n'avait été relevé par un savant aussi consciencieux.qu'Alexandre Pinchart, nous aurions quelque peine à l'admettre. Peut-être ce chiffre énorme comprend - il